Algérie

(Al-Djazâ'ir)

Al Jumhuriyah al Jaza´ iriyah ad Dimuqratiyah ash Sha` biyah

 

 

 

 

 

 

 

République algérienne démocratique et populaire

 

 

 

 

  1. Information générale
  2. Situation géographique
  3. Donnés démolinguistiques et religion
  4. Un Apperçu hitorique
  5. L'Algérie et la ploitique linguistique
  6. La Constitution

 

 

 

Information générale

 

 

 

Capitale: Alger

Population: 32,3 millions (est. 2004)

Langue officielle: arabe classique Groupe majoritaire: variétés d'arabe (83,2 %) mais particulièrement l’arabe algérien (60 %)

Langues nationales: arabe, kabyle

Groupes minoritaires: kabyles(27,4 %),chaoui, touarag, mozabe

Langue coloniale: français

Système politique: république unitaire Articles constitutionnels (langue): préambule et art. 3 de la Constitution de 1996

Lois linguistiques:les ordonnances no 66-154 et no 66-155 du 8 juin 1966 sur la justice; l'ordonnance du 26 avril 1968 sur la connaissance obligatoire de l'arabe pour les fonctionnaires; la circulaire du ministère de l'Intérieur de juillet 1976 sur l'affichage; la loi no 91-05 du 16 janvier 1991 portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe; l’ordonnance no 96-30 du 21 décembre 1996

 

Situation géographique

 

 

L’Algérie (officiellement République algérienne démocratique et populaire) est un État du Maghreb bordé au nord par la mer Méditerranée, à l'est par la Tunisie et la Libye, au sud-est par le Niger, au sud-ouest par le Mali et la Mauritanie, à l'ouest par le Maroc et le Sahara occidental (voir la carte).

Sur le continent africain, l’Algérie est le second pays par sa superficie (2,3 millions de km²), dont les quatre cinquièmes sont occupés par le Sahara. Le nom de l’Algérie en arabe est Al-Djazâ'ir, c’est-à-dire «les îles» par allusion aux quelques îlots que Barberousse (corsaire turc qui fonda Alger) rattacha à la ville d’Alger en 1517.

Le nom français d'Algérie a été donné en 1839 par Antoine Scheider, ministre de la Guerre, au «pays occupé par les Français dans le nord de l'Afrique».

L'Algérie est divisée en 48 Wilayates (départements ou provinces) : Adrar, Ain Defla, Ain Temouchent, Alger, Annaba, Batna, Bechar, Bejaia, Biskra, Blida, Bordj Bou Arreridj, Bouira, Boumerdes, Chlef, Constantine, Djelfa, El Bayadh, El Oued, El Tarf, Ghardaia, Guelma, Illizi, Jijel, Khenchela, Laghouat, Mascara, Medea, Mila, Mostaganem, M'Sila, Naama, Oran, Ouargla, Oum el Bouaghi, Relizane, Saida, Setif, Sidi Bel Abbes, Skikda, Souk Ahras, Tamanghasset, Tebessa, Tiaret, Tindouf, Tipaza, Tissemsilt, Tizi Ouzou et Tlemcen. Ces provinces sont divisées en 160 sous-préfectures et 1540 communes.

Données démolinguistiques

La population de l'Algérie se compose de deux groupes ethniques importants: les Berbères et les Arabes. La plupart des Algériens descendent de ces deux ethnies.

L'islam (sunnite), pratiqué par près de 99 % de la population, unifie le peuple algérien; les autres sont des catholiques d'origine française ou des juifs. Il est cependant difficile de déterminer la répartition exacte des Arabes et des Berbères, tant leur population a été mêlée au cours de l'histoire. Historiquement, les Berbères (appelés qabaïl en arabe) forment la plus ancienne des communautés d'Afrique du Nord et plusieurs traits de leur civilisation sont en continuité avec ceux des cultures préhistoriques.

Ils occupèrent toute la côte d'Afrique du Nord, entre l'Égypte et l'océan Atlantique. Ce n'est que lors de la conquête arabe au VIIe siècle que les Arabes prirent place aux côté des Berbères des plaines. On sait que pratiquement tous les Berbères se sont islamisés, mais ceux habitant les montagnes ne se sont jamais arabisés.

Les arabophones et les berbérophones

Aujourd'hui, la majorité des Algériens sont arabophones dans une proportion de 72 %. Parmi les Arabophones, c'est l'arabe algérien qui dominent nettement avec 60 % de la population totale et 83,2 % des arabophones. Les autres arabophones parlent le hassaniyya (11,3 %), l'arabe marocain (0,4 %), l'arabe du Sahara (0,1 %), l'arabe égyptien, voire l'arabe irakien. À l'oral, c'est l'arabe algérien qui sert de langue véhiculaire, mais à l'écrit, c'est l'arabe classique. Toutes les variétés d'arabe appartiennent au groupe sémitique de la famille chamito-sémitique. Seule une partie de la population (environ la moitié), celle qui est la plus scolarisée, a accès à l'arabe officiel (dit arabe classique) appris à l'école et l'emploie généralement comme langue seconde.

Par ailleurs, près du tiers, soit 8,8 millions des Algérien (représentant ainsi 27,4 % de la population) parlent l'une des variantes du berbère, une autre langue chamito-sémitique, mais appartenant au groupe berbère: le kabyle, le tamazight, le chaouïa (shawiya), le mzab, le mozabique, le tshalhit, le touareg, le tarifit, le tumzabt, etc. Les berbérophones forment diverses communautés telles que les Kabyles, les Chaouïas, les Zénètes, les Mozabites, les Touaregs, etc. Les berbérophones sont regroupés surtout près de la capitale, Alger, et au centre du pays; on trouve aussi quelques communautés éparpillées dans le Sud. Soulignons également que les Berbères sont présents dans les pays voisins (Maroc, Tunisie, Mauritanie, Mali, Libye, etc.). En Algérie, les berbérophones se sont donné comme nom Imazighen (au pluriel); au singulier, c’est le terme Amazigh (berbère) qui est employé. Le mot tamazight désigne leur langue (berbère) et Tamazgha le territoire auquel ils appartiennent (la Berbérie).

Il reste quelques petites communautés parlant des langues indo-européennes et nilo-sahariennes. Parmi les langues indo-européennes, signalons le français parlé par environ 10 000 Français et 600 Juifs, ainsi que par presque environ la moitié de tous les Algériens en tant que langue seconde. Avant l'indépendance, on comptait plus d’un million de colons français en Algérie et près de 150 000 de Juifs parfois de souche très ancienne; presque tous ces gens ont quitté le pays dans les années qui ont suivi l’indépendance. En 1986, on recensait encore près de 52 000 Français en Algérie; ils étaient environ 24 500 en 1992 et étaient estimés à 8300 (dont les trois quarts possèdent la double nationalité) en 1996. L’Algérie peut être considérée, à tort ou à raison, comme «le second pays francophone du monde» avec près de 21 millions de personnes qui ont une connaissance plus ou moins grande du français, soit environ 67 % de la population (32,2 millions).

Religion

En ce qui a trait à la religion, la Constitution de 1989 (et celle de 1996) a proclamé l'islam religion d'État. La très grande majorité des Algériens sont de religion musulmane sunnite, pour la plupart de rite malékite.

Un apperçu historique

Dès la plus haute Antiquité (IIe millénaire), l'Algérie fut le berceau d’une civilisation berbère, mais l’histoire du pays ne commença officiellement qu’avec l’arrivée des Phéniciens qui fondèrent des comptoirs commerciaux. Les Carthaginois suivirent et reprirent ces mêmes comptoirs tout en développant diverses activités côtières, laissant l’intérieur des terres aux Berbères. Au premier siècle avant notre ère, les Romains occupèrent l’Afrique du Nord (dont le territoire de l'Algérie actuelle), mais ne purent jamais latiniser les populations berbères réfugiées dans les montagnes. Plus, tard, lors de l’avènement de la chrétienté, les Berbères résistèrent même à la christianisation pourtant généralisée dans toute l'Afrique du Nord. Ainsi, les Berbères réussirent à résister aussi bien à la latinisation qu’à la christianisation, mais ne purent résister à l'islamisation.

Quittant l’Égypte en 647, les armées arabo-musulmanes avançèrent vers l’Ouest et conquirent tout le Maghreb en 711, y compris l’Algérie associée à ce moment-là à la Berbérie. Les Berbères adoptèrent très vite l'islam, mais conservèrent leurs langues. Au XVIe siècle, l'Algérie devint une province de l'Empire ottoman et fut gouvernée par un dey, ses bey et ses janissaires, puis se turquifia quelque peu. Avant que la France n'envahisse l’Algérie en 1830, les corsaires turcs écumaient les mers et se faisaient craindre des puissances européennes dont certaines devaient payer de lourds tributs pour avoir la paix. L’Algérie bénéficiait d’une large autonomie, sous l’autorité d’un pouvoir militaire exercé par le dey et contrôlé par la milice des janissaires turcs. Toutefois, à la différence du Maroc et de la Tunisie dont l'existence en tant qu'État remonte à plus d'un millénaire, l'Algérie était, avant 1830, un territoire encore sans État où de puissants seigneurs de la guerre (généralement des émirs) régnaient en maîtres sur le territoire de l'actuelle Algérie.

Quittant l’Égypte en 647, les armées arabo-musulmanes avançèrent vers l’Ouest et conquirent tout le Maghreb en 711, y compris l’Algérie associée à ce moment-là à la Berbérie. Les Berbères adoptèrent très vite l'islam, mais conservèrent leurs langues. Au XVIe siècle, l'Algérie devint une province de l'Empire ottoman et fut gouvernée par un dey, ses bey et ses janissaires, puis se turquifia quelque peu. Avant que la France n'envahisse l’Algérie en 1830, les corsaires turcs écumaient les mers et se faisaient craindre des puissances européennes dont certaines devaient payer de lourds tributs pour avoir la paix. L’Algérie bénéficiait d’une large autonomie, sous l’autorité d’un pouvoir militaire exercé par le dey et contrôlé par la milice des janissaires turcs. Toutefois, à la différence du Maroc et de la Tunisie dont l'existence en tant qu'État remonte à plus d'un millénaire, l'Algérie était, avant 1830, un territoire encore sans État où de puissants seigneurs de la guerre (généralement des émirs) régnaient en maîtres sur le territoire de l'actuelle Algérie.

La colonisation française

À cette époque, dans la France de Charles X, la conquête de l’Algérie n’était qu’un prétexte pour chasser les corsaires turcs, alors que le but véritable était le renforcement de son propre pouvoir en France. À l’exception de la Grande-Bretagne, les puissances européennes donnèrent leur accord, car l’expédition française leur permettait de se débarrasser des corsaires barbaresques tout en reprenant le drapeau de la grande croisade chrétienne contre les musulmans. Entre le 11 et le 18 mai 1830, quelque 37 000 hommes répartis dans 675 bâtiments, c’est-à-dire toute la marine française de l’époque, embarquèrent pour conquérir l’Algérie ottomane. Le débarquement eut lieu le 14 juin 1830 à Sidi-Ferruch et, le 5 juillet, les troupes françaises du général de Bourmont firent leur entrée dans la forteresse d’Alger. Moins d'un mois plus tard, Charles X était renversé.

Contrairement au Maroc et à la Tunisie, la conquête de l’Algérie fut longue. Les Français l'ont soumise village après village, par des méthodes brutales, alors qu'il leur a suffi de signer quelques accords (d'État à État) pour imposer un protectorat au Maroc et à la Tunisie. Par exemple, la résistance conduite par l’émir Abd el-Kader allait durer dix-huit ans. L'armée française d'Afrique finit par occuper tout le pays seulement en 1847, lorsque l’émir Abd el-Kader déposa les armes et se rendit aux forces d’occupation (pour aller se réfugier ensuite au Maroc). Les méthodes utilisées par l’armée française furent souvent brutales, comme en fait foi ce témoignage du lieutenant-colonel L.-F. de Montagnac, officier durant la conquête d’Algérie (Lettres d’un soldat, 15 mars 1843):

Toutes les populations qui n'acceptent pas nos conditions doivent être rasées. Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d'âge ni de sexe: l'herbe ne doit plus pousser où l'armée française a mis le pied [...]. Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes: tuer tous les hommes jusqu'à l'âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.

Les villes d'Alger, Constantine, Médéa, Miliana et Tlemcen, berceaux de la civilisation turco-arabe, furent dévastées : des palais et des mosquées furent rasées, tandis que les portes et fenêtres en bois ainsi que les autres motifs de décoration, sans parler des archives, servirent de feu de camp pour les troupes d'occupation. Quant à la colonisation française, elle commença aussitôt après la prise d’Alger, alors que des dizaines de milliers de Français vinrent s'installer en Algérie. Ceux-ci firent main basse sur les terres arabes. Déjà, en 1841, dans ses Notes sur l’Algérie, le député Alexis de Tocqueville (1805-1859) dénonçait ainsi les spoliations dont étaient victimes les «indigènes»:

Un marin qui était là et qui possède des terres reprenait avec vivacité qu'on avait tort de traiter les colons de cette manière; que sans colonie il n’y avait rien de stable ni de profitable en Afrique; qu'il n’y avait pas de colonie sans terres et qu'en conséquence ce qu'il y avait de mieux à faire était de déposséder les tribus les plus proches pour mettre les Européens à leur place. Et moi, écoutant tristement toutes ces choses, je me demandais quel pouvait être l’avenir d’un pays livré à de pareils hommes et où aboutirait enfin cette cascade de violences et d’injustices, sinon à la révolte des indigènes et à la ruine des Européens.

Cela dit, Alexis de Tocqueville ne s'empêchait pas d'ajouter: «Quoi qu'il en soit, on peut dire d'une manière générale que toutes les libertés politiques doivent être suspendues en Algérie.» Bref, malgré certaines réticences, de Tocqueville, comme la plupart de ses contemporains, se faisait l'avocat de mesures radicales dans la conquête de l'Algérie, laquelle apparaissait à l'époque comme une nécessité pour maintenir la France dans son rôle d'expansion coloniale (à l'exemple de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Italie, etc.). En octobre1870, le décret Crémieux finit par accorder la nationalité française aux seuls Algériens de confession juive, une mesure qui heurta les autres communautés, notamment les Berbères.

Une politique colonisatrice néfaste

En 1872, sur une population estimée à deux millions d’habitants, quelque 245 000 étaient d’origine européenne (12,2 % de la population) et possédaient au moins le quart de l’espace agricole algérien; en 1886, plus de sept millions d’hectares de terres étaient passés aux mains des colons. Ceux-ci n'étaient pas seulement d'origine française, d'autres provenaient, par exemple, de l'Italie, de l'île de Malte et de l'Espagne. Par la suite, certaines tributs arabes et berbères perdirent jusqu’à 50 %, voire 80 %, de leurs terres. Capitalistes métropolitains, fonctionnaires et officiers firent le trafic des terres abandonnées par leurs propriétaires ou confisquées au nom de la conquête. La politique française à l'égard des Algériens ne pouvait que favoriser l'émergence du nationalisme musulman. Dès 1846, Alexis de Tocqueville avait probablement raison d'écrire: «Nous avons rendu la population musulmane plus barbare qu’elle ne n’était.» Le mot «barbare» était peut-être mal choisi, mais dans le contexte de l'époque il signifiait que les Français avaient sans nul doute «empiré» les choses.

En 1881, l'Algérie fut intégrée directement à la France et fut divisée en trois départements: Alger (54 861 km²), Oran (67 262 km²) et Constantine (87 578 km²), auxquels s'ajouteront plus tard les Territoires du Sud (1 981 750 km²). Tout le territoire fut rattaché au ministère français de l'Intérieur et dirigé par un gouvernement général. Au moment de la promulgation des lois scolaires de 1881 et 1882, Jules Ferry, qui désirait en réalité l'assimilation des musulmans par l'école, tenta en vain de généraliser leur scolarisation, mais les colons d'Algérie lui opposèrent un refus catégorique; ils crièrent : «Autant abandonner l'Algérie!» La République finit par capituler et renonça à la scolarisation massive des musulmans, mais créa pour eux les «écoles gourbis» avec un programme spécial, un instituteur spécial et un diplôme également spécial. Par exemple, les maîtres affectés dans les bleds algériens devaient enseigner, mais il leur fallait aussi être cuisiniers, maçons, menuisiers, médecins (ou vétérinaires), jardiniers et conseillers agronomes pour les adultes, puis secrétaires et écrivains publics. Le français ne s'est pas répandu beaucoup chez les petits Arabes, car ce sont les Français de souche et les les étrangers assimilés qui ont profité de l'enseignement en français. Les Blancs ont même développé une sorte de français dialectal, dont les caractéristiques étaient l'emploi du conditionnel derrière si, et par celui de nombreux mots empruntés à l'arabe, l'italien et l'espagnol.

Lors de la Première Guerre mondiale, le recrutement indigène fournit 173 000 militaires (dont 67 500 «engagés»), alors que 25 000 soldats musulmans et 22 000 Français d'Algérie tombèrent sur les champs de bataille. Au même moment, quelque 119 000 «travailleurs» algériens vinrent travailler en métropole. Un décret de 1919 accorda la nationalité française à quelque 20 000 Algériens, mais à des conditions considérées comme particulièrement sévères comme la renonciation au statut personnel de musulman (c'est-à-dire, selon le point de vue, la «conversion» ou l'«apostasie»). Les musulmans demeurèrent, dans leur immense majorité, des «sujets français» jamais des «citoyens» à part entière, à moins d'abandonner leur religion et prendre celle des «infidèles». Mais la France fit pire en imposant à l'Algérie (ainsi qu'à toutes ses autres colonies) le Code de l’indigénat qui correspondrait aujourd'hui à une forme déguisée d’esclavage des populations autochtones, car elle les dépouillait de toute leur identité.

Le Code de l’indigénat

Le gouvernement français imposa, en 1887, le régime de l'indigénat à l'ensemble de ses colonies; il fut formellement appelé plus habilement Code de l’indigénat.

En général, ce code assujettissait les autochtones et les travailleurs immigrés aux travaux forcés, à l’interdiction de circuler la nuit, aux réquisitions, aux impôts de capitation (taxes) sur les réserves et à un ensemble d’autres mesures tout aussi dégradantes. Il s'agissait d'un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial», celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice. Ce code fut sans cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays».

Le Code de l’indigénat distinguait deux catégories de citoyens: les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens, etc., ainsi que les travailleurs immigrés. Les sujets français soumis au Code de l’indigénat étaient privés de la majeure partie de leur liberté et de leurs droits politiques; ils ne conservaient au plan civil que leur statut personnel, d'origine religieuse ou coutumière.

Tout compte fait, le colonialisme pratiqué en Nouvelle-Calédonie, en Algérie, à Madagascar, etc., s’apparentait à une sorte d’esclavage des populations autochtones: celles-ci étaient dépouillées de toute leur identité. Ce système colonial odieux, qui paraît sans aucun doute honteux aujourd’hui, semblait normal à l’époque et d'autres pays pratiquaient des politiques similaires.

Le Code de l'indigénat était assorti de toutes sortes d'interdictions dont les délits étaient passibles d'emprisonnement ou de déportation. Ce système d'inégalité sociale et juridique perdura jusqu’en 1946, soit plusieurs années après que les accords de Genève (le 23 avril 1938) eurent interdit toute forme de travaux forcés. Après la loi du 7 avril 1946 abolissant le Code de l’indigénat, les autochtones (Nouvelle-Calédonie, Madagascar, Algérie, etc.) purent à nouveau circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l'indigénat en Algérie pratiquement jusqu'à l'Indépendance (1962).

Évidemment, les colons et certains immigrés français purent dominer la société algérienne et imposer la langue française partout au pays; cette langue devint quasi exclusive dans l'Administration, l'enseignement et l'affichage. En 1930, le gouvernement colonial pouvait célébrer avec faste le «Centenaire de l'Algérie française». Une loi française de 1938 déclara même l'arabe comme «langue étrangère en Algérie». Pendant que les Français et autres Européens d'Algérie occupaient les villes et les meilleures terres, disposaient d'écoles, de routes et de services publics efficaces, l'Algérie musulmane habitait les bidonvilles et prenait les petits champs séchés, le tout sans soins, sans instruction et sans administration.

Le nationalisme algérien

Le nationalisme algérien se développa après la Première Guerre mondiale au sein de la bourgeoisie musulmane. Au début, celle-ci demandait simplement l'égalité des droits avec les Européens. Les principaux dirigeants nationalistes, Ahmed Messali Hadj, fondateur, en 1926, de l'Étoile nord-africaine, Ferhat Abbas, accueillirent favorablement le projet Blum-Violette qui proposait, en 1936, d'élargir l'accès à la citoyenneté, sans contrepartie religieuse. Mais le projet de loi se heurta à l'hostilité des colons français et fut abandonné. En 1931, Abdelhamid Ben Badis fonda l'Association des oulemas réformistes d'Algérie avec pour devise «L'arabe est ma langue, l'Algérie est mon pays, l'islam est ma religion.» C'est dans ce contexte que les nationalistes arabisants trouvèrent une argumentation de choix. Dans un ouvrage de Tewfiq al-Madani paru en 1932 et intitulé Le livre de l'Algérie, l’auteur écrivait encore en exergue: «L'islam est notre religion, l'Algérie notre patrie, la langue arabe est notre langue.» Les nationalistes ne devaient plus l'oublier. En 1936, Les oulémas et les communistes fondèrent le Congrès musulman algérien dans le cadre du Front populaire, puis, l'année suivante, les nationalistes algériens proclamèrent le Parti du peuple algérien (PPA). Deux ans plus tard (en septembre 1939), les autorités coloniales arrêtèrent les principaux dirigeants nationalistes algériens. En 1940, le ministre français de l'Intérieur abolit le décret Crémieux de naturalisation des juifs d'Algérie. Le statut adopté en 1947 resta très inégalitaire: il prévoyait l'élection d'une Assemblée algérienne composée de 120 membres aux prérogatives restreintes. De plus, les neuf millions de musulmans de statuts coranique élisaient le même nombre de députés que le million de citoyens français. Dès 1948, les élections furent truquées afin de faire élire des représentants de l'administration dans le second collège (musulman).

La guerre d'Algérie (1954-1962)

Puis tout s'est mis à aller mal en Algérie. Alors qu'en 1958 la Tunisie et le Maroc étaient déjà indépendants, la situation en Algérie s'était gravement détériorée: le Front de libération nationale (FLN) avait lancé une insurrection en novembre 1954, entraînant une escalade militaire. En 1957, quelque 400 000 soldats français étaient présents en Algérie pour y maintenir l'ordre. Ce fut en grande partie le conflit algérien qui provoqua le retour du général de Gaulle «aux affaires» en 1958 : les Français d'Algérie, hostiles à l'investiture (le 13 mai 1958) de Pierre Pflimlin, jugé favorable à des négociations avec les partisans de l'indépendance, se soulevèrent et firent lancer par le général Salan un appel au général de Gaulle. Ils voyaient en ce dernier «le défenseur d'une Algérie française». Grâce à la pression des Français d'Alger et à l'épuisement des forces politiques, de Gaulle fut appelé à former le gouvernement par le président de la République, René Coty. Après le vote favorable de l'Assemblée nationale, de Gaulle devint président du Conseil, le dernier de la IVe République.

Charles de Gaulles déclarait dans son discours d'Alger, le 4 juin 1958: «Je vous ai compris. Et je déclare qu'à partir d'aujourd'hui, la France considère que, dans toute l'Algérie, il n'y a qu'une seule catégorie d'habitants, il n'y a que des Français à part entière. Moi, de Gaulle, à cela, j'ouvre la porte de la réconciliation.» En 1959, de Gaulle confia à un journaliste: «L'Algérie de papa est morte et, si on ne le comprend pas, on mourra avec elle.» Le président de la République était convaincu que la souveraineté algérienne était la seule issue au conflit et il allait continuer d'en persuader les Français. Mais les Français d'Algérie se sont sentis floués. Certains officiers, en Algérie, en virent à refuser l'autorité du chef de l'État français, chef des armées. Derrière les généraux Salan, Jouhaud, Challe et Zeller, ils prirent le pouvoir à Alger le 22 avril 1961. Juste un peu auparavant, le général de Gaulle avait signé un décret rendant obligatoire l'enseignement de la langue arabe dans les écoles du premier cycle du primaire. Ce genre de politique arrivait beaucoup trop tard et le régime de l'«Algérie française» était terminé! Les partisans de l'Algérie française se regroupèrent au sein de l'Organisation de l'Armée secrète (OAS) et se livrèrent au terrorisme tant en métropole qu'en Algérie. Ils tentèrent même d'assassiner de Gaulle à de nombreuses reprises (notamment le 8 septembre 1961 à Pont-sur-Seine), puis répétèrent leurs tentatives après l'indépendance de l'Algérie (par exemple le 22 août 1962 au Petit-Clamart). La colonisation française, qui avait duré 130 ans, avait suscité un trop profond ressentiment contre la France de la part des Algériens arabisants et avait bouleversé totalement le pays.

En 1955, dans un article intitulé «La bonne conscience», dans L'Express du 21 octobre, l'écrivain Albert Camus, qui était né en Algérie, donnait ainsi son point de vue sur les Français d'Algérie, dont la plupart n'étaient plus des «colons»:

Entre la métropole et les Français d'Algérie, le fossé n'a jamais été plus grand. Pour parler d'abord de la métropole, tout se passe comme si le juste procès, fait enfin chez nous à la politique de colonisation, avait été étendu à tous les Français qui vivent là-bas. A lire une certaine presse, il semblerait vraiment que l'Algérie soit peuplée d'un million de colons à cravache et à cigare, montés sur Cadillac. [...]

Quatre-vingt pour cent des Français d'Algérie ne sont pas des colons, mais des salariés ou des commerçants. Le niveau de vie des salariés, bien que supérieur à celui des Arabes, est inférieur à celui de la métropole. Deux exemples le montreront. Le SMIG est fixé à un taux nettement plus bas que celui des zones les plus défavorisées de la métropole. De plus, en matière d'avantages sociaux, un père de famille de trois enfants perçoit à peu près 7200 francs contre 19000 en France. Voici les profiteurs de la colonisation. [...]

Les gouvernements successifs de la métropole, appuyés sur la confortable indifférence de la presse et de l'opinion publique, secondés par la complaisance des législateurs, sont les premiers et les vrais responsables du désastre actuel. Ils sont plus coupables en tout cas que ces centaines de milliers de travailleurs français qui se survivent en Algérie avec des salaires de misère, qui, trois fois en trente ans, ont pris les armes pour venir au secours de la métropole et qui se voient récompensés aujourd'hui par le mépris des secourus. Ils sont plus coupables que ces populations juives, coincées depuis des années entre l'antisémitisme français et la méfiance arabe, et réduites aujourd'hui, par l'indifférence de notre opinion, à demander refuge à un autre État que le français. Reconnaissons donc une bonne fois que la faute est ici collective. [...]

Une grande, une éclatante réparation doit être faite, selon moi, au peuple arabe. Mais par la France toute entière et non avec le sang des Français d'Algérie. Qu'on le dise hautement, et ceux-ci, je le sais, ne refuseront pas de collaborer, par-dessus leurs préjugés, à la construction d'une Algérie nouvelle.

Camus a eu le mérite de nuancer l'identité des Français d'Algérie. Il est vrai que, en 1955, la plupart d'entre eux n'étaient pas des colons; ils étaient arrivés en Algérie en tant qu'immigrants en provenance de presque tous les pays de la Méditerranée, c'est-à-dire non seulement la France, mais également l'Italie, l'Espagne, le Portugal, Malte, etc. Ils furent souvent des réfugiés politiques de la révolution de 1848 et de la Commune de 1870, des Alsaciens réfractaires à l'impérialisme prussien de 1871 ou des Espagnols défaits dans la guerre civile de 1936-1939. Bref, pour la majorité, il s'agissait de fuir la misère. En somme, ceux qu'on nomme aujourd'hui les «Pieds-Noirs», ces Français d'Algérie de la première heure (et leur descendants), ont sûrement profité de la colonisation, mais 130 ans plus tard, la plupart des Européens vivant en Algérie n'en étaient pas directement responsables.

Il n'en demeure pas moins que de Gaulle reste l'homme qui a conduit l'Algérie à son indépendance, le seul sans doute qui en ait été capable. On peut se demander si le général était partisan de l'Algérie française ou de l'Algérie algérienne. Or, les historiens hésitent: pour certains, il a agi selon une politique déterminée ayant pour but l'indépendance; pour d'autres, il a exploré différentes solutions jusqu'à approuver la souveraineté algérienne.

La séparation d'avec la France en 1962 se fit brutalement au prix d'une guerre marquée par une affirmation de l'identité collective axée sur l'islam et l'arabe. Il s’est développé en même temps au sein des arabisants une réaction négative, sinon une intolérance manifeste à l'égard tant de l'héritage français que de l’héritage berbère. Contrairement à la Tunisie (et au Maroc), le français en Algérie ne fut pas seulement perçu par une certaine élite islamiste comme une langue étrangère, mais comme le symbole même de la colonisation et de la soumission. L'anglais était préférable! -

Le dénouement incontournable

L'indépendance, devenue incontournable, fut précédée par la signature, le 18 mars 1962, des accords d'Évian (qui mettaient fin à la guerre d'Algérie), suivie le lendemain par la proclamation du cessez-le-feu. De Gaulle espérait que les accords d'Évian allaient permettre à l'Algérie et à la France de «marcher fraternellement ensemble sur la route de la civilisation». Les accords furent approuvés par 90,7 % des métropolitains (suffrages exprimés lors du référendum du 8 avril 1962). Ce fut aussi la mise en place de l'Exécutif provisoire à Rocher-Noir (Boumèrdes), puis le 1er juillet de la même année le référendum sur l’autodétermination. L’ordonnance du général de Gaulle reconnaissant officiellement l’indépendance de l’Algérie coïncida, le 3 juillet, avec l’arrivée à Alger des membres du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) qui transféra ses pouvoirs au FLN. Le président du GPRA, Benyoucef Benkhedda, avait lancé un appel au peuple algérien en mars 1962, dans lequel il avait fustigé l'impérialisme français et déclaré que la Révolution algérienne avait «détruit le mythe de l'invincibilité de l'impérialisme» (voir un extrait du texte).

Après l’indépendance

L'Algérie accéda formellement à l'indépendance le 5 juillet 1962 dans un climat de guerre civile et de luttes féroces pour le pouvoir, d'autant plus que beaucoup de colons français et de militaires n'acceptaient pas de perdre leurs privilèges.

Les accords d'Évian ne furent jamais respectés. Si le cessez-le-feu fut appliqué scrupuleusement par l'armée française qui est «rentrée dans ses casernes», le gouvernement algérien ne s'est pas considéré engagé par ce texte qui ne portait que le titre de Déclaration. Ce que de Gaulle ignorait, c'est que les représentants algériens n'avaient pas la moindre intention de les appliquer. La guerre a continué en Algérie, faisant de nouvelles victimes tant européennes qu'algériennes. Au total, le bilan de la deuxième guerre d'Algérie fut lourd: 30 000 soldats français tués, 50 000 civils (arabes et français) et 300 000 morts du côté du FLN. Pour ce qui est des dispositions censées assurer la protection des Pieds-Noirs, elles n'eurent aucune valeur, car ces derniers furent littéralement abandonnés par l'État français, bien qu'un million de citoyens français purent se réfugier en France plutôt que de rester dans cette ex-colonie, craignant la «vengeance» des Algériens; en effet, parmi ceux qui restèrent, beaucoup furent massacrés. Enfin, la libre circulation des personnes entre la France et l'Algérie (prévue dans les accords d'Évian) ne fonctionna après l'indépendance que dans le sens sud-nord (Algérie-France). La guerre d'Algérie a fait un total de près d'un million de victimes!

Incarcéré en France depuis 1956, Ahmed Ben Bella, l’un des chefs de l’insurrection algérienne, fut libéré après la signature des accords d'Évian, lesquels prévoyaient, pour la formation du premier gouvernement algérien, la tenue d'une assemblée constituante et d'un référendum. Mais la suite ne s'est pas passée telle que prévue. L'Armée de libération nationale confisqua le pouvoir en 1962 et... elle le tient encore aujourd'hui.

En septembre 1962, Ben Bella fut élu président de la République algérienne démocratique et populaire et suspendit la Constitution du pays en octobre 1963. Il fut de plus en plus préoccupé par son autorité au plan international et devint plus autocratique. Le 19 juin 1965, il fut destitué par le Conseil de la révolution que présidait Houari Boumédiène, qui lui reprochait ses méthodes de gouvernement autoritaires. Il fut emprisonné jusqu'en juillet 1979, puis assigné à résidence jusqu'à sa libération en octobre 1980. Ben Bella s'exila ensuite en France, puis en Suisse, où il devait fonder, en 1984, le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA).

Fervent partisan d'un socialisme autoritaire, le colonel Houari Boumédiène, à la faveur d’un coup d’État le 19 juin 1965, mit en place un pouvoir autocratique avec l’aide de l'armée. Sur le plan intérieur, l'ère Boumédiène fut celle des nationalisations des secteurs importants de l'économie.

C’est sous son régime que commencèrent les premières campagnes d’arabisation en Algérie. Ressentant une profonde animosité à l'égard de la langue française, le colonel-président octroya des portefeuilles ministériels aux conservateurs religieux et mit au point une politique linguistique dite d’«arabisation» destinée à éradiquer le français et promouvoir la langue coranique, c’est-à-dire l'arabe classique qu'aucun Algérien pourtant (ni personne dans le monde arabe) n'utilisait comme langue du quotidien.

En 1979, après la mort de Boumédiène, le colonel Chadli Bendjedid lui succéda. Dès son arrivée au pouvoir, Chadli engagea une politique de libéralisation économique et sociale. Sa présidence suscita de nombreux espoirs, mais il se fit rapidement une réputation de prodigalité à l'égard de ses «amis» et en vint à renforcer le climat de corruption qui régnait déjà dans le pays. C'est à cette époque qu'apparurent les premiers maquis islamistes. Les première émeutes éclatèrent en 1988 et furent vite réprimées. Puis, le président Chadli fit adopter par référendum une nouvelle constitution en février 1989, qui ouvrit l'Algérie au multipartisme. L'ouverture démocratique de 1988 a permis une mise en compétition des langues en Algérie (arabe algérien, arabe classique, français et berbère), mais c’est le français qui en est sorti grand vainqueur. Après la longue descente aux enfers de l'Algérie «socialiste», le pays dut passer par la guerre civile.

En juin 1990, le Front islamique du salut (FIS) remporta les premières élections municipales démocratiques. Les résultats qu'obtint ce parti confessionnel provoquèrent un putsch militaire. Le président Chadli fut destitué le 11 janvier 1992 par l'armée, qui interrompit le processus de démocratisation, tandis que le Haut Conseil de sécurité (HCS) annulait le résultat des élections. Les autorités algériennes firent appel à Mohamed Boudiaf en espérant que celui-ci puisse demeurer discret sur les dossiers peu reluisants du Haut Comité d'État (HCE); le président resta six mois à la tête du pays avant de se faire assassiner. Boudiaf fut le seul président à parler aux Algériens dans l'une des langues du terroir, soit l'arabe algérien tant méprisé par ses prédécesseurs et par ses successeurs. Puis, il «gela» la loi portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe juste avant son assassinat, le 29 juin 1992. En effet, le décret 92/02 du 4 juillet 1992 suspendit ladite loi «jusqu'à réunion des conditions nécessaires». La population ne s'en plaignit nullement. Le FIS fut dissous en mars 1992, et une politique de répression fut mise en oeuvre contre les islamistes, lesquels répondirent par la lutte armée et le terrorisme.

L’intensification de la répression devint une priorité pour le régime dirigé par le général Liamine Zéroual, mais la radicalisation des islamistes entraîna une vague d'attentats visant surtout les forces de l'ordre, les intellectuels, les journalistes, les artistes et, depuis 1993, les ressortissants étrangers. Cette situation plongea alors l’Algérie dans l'instabilité et la violence, tandis que se développait en Kabylie un mouvement de revendication berbère hostile aux militaires comme aux islamistes.

Les principaux partis d'opposition — le FIS, le Front des forces socialistes et le FLN — signèrent en 1995 un programme commun prônant l'ouverture de négociations rejetées par le pouvoir. Au lendemain d'une nouvelle recrudescence des attentats islamistes, le président Zéroual décida la tenue d'une élection présidentielle (nov. 1995) qui fut boycottée par l'opposition. Mais la forte participation à cette élection, remportée par Zéroual, témoignait de la volonté de la société algérienne de voir s’arrêter la violence (env. 150 000 morts).

Malgré la mise en place de nouvelles institutions politiques en 1996, les attentats et les massacres se poursuivirent, tandis que les mesures d'arabisation hâtives de 1998 étaient très contestées. Paralysé par la lutte des clans au sommet de l’État, Zéroual fut contraint de démissionner deux ans avant la fin de son mandat.

M. Abdelaziz Bouteflika, élu en avril 1999, lui a succédé. Le nouveau président appela à la réconciliation nationale et manifesta sa volonté d'ouverture en graciant plusieurs milliers d'islamistes. Cependant, lors du référendum du 16 septembre 1999, une nouvelle vague de violences resurgit avec la campagne menée sur la «concorde civile» en Algérie. Cette nouvelle vague de violence illustrait l'ampleur des résistances aux propositions gouvernementales. Pourtant, après des années d'une guerre qui a avait fait plus de 150 000 morts, la société algérienne aspirait certainement à la paix et à la réconciliation.

L'origine de la crise algérienne tient au fait qu'il n'y a jamais eu de véritable régime démocratique dans ce pays. Les militaires se sont emparés du pouvoir dès 1962 et ils ont imposé un régime socialiste autoritaire de type stalinien, avec la complicité du FLN. La lente descente aux enfers de l'Algérie «socialiste» et la guerre civile révèlent la difficulté de l'Algérie de trouver son identité autrement que par la religion. De plus, comme les Algériens n'ont jamais eu de gouvernement élu démocratiquement, il n'est pas surprenant que beaucoup d'entre eux ont voulu quitter leur pays. Bien qu'il soit difficile d'obtenir des chiffres officiels, on estime que près d'un demi-million d'Algériens sont partis depuis le début des années quatre-vingt-dix. La plupart ont immigré en France, aux États-Unis, au Canada ou dans les autres pays arabes, et rien n'indique que le mouvement soit sur le point de s'arrêter.

Le Parlement algérien adopta en avril 2002, à l’unanimité, une modification la Constitution instituant le berbère comme «langue nationale». Ce geste historique intervint à la venue des élections législatives, alors que le climat tendu par les manifestations et les revendications remettait en cause l’autorité de l’État en Kabylie. Lors de l’élection présidentielle d’avril 2004, Abdelaziz Bouteflika fut réélu dès le premier tour. En Kabylie, les négociations se sont poursuivies entre le gouvernement et certains représentants du mouvement amazigh (berbère), qui revendique une plus grande autonomie ainsi que la reconnaissance de la langue et de la culture amazigh.